À l’heure de rédiger ces lignes, les articles concernant WhatsApp et son changement en matière de politique de confidentialité pullulent sur les sites d’actualités. Pourquoi un tel émoi?
2014 : Facebook rachète WhatsApp pour plus de 17 milliards de dollars
Quelques chiffres étonnants
En 2014, Facebook rachète WhatsApp. Une pépite qui ne compte que quelques employés (un peu plus de 30 aujourd’hui), mais une base d’utilisateurs de plus d’un milliards d’individus à l’époque, tous authentifiés par leur numéro de téléphone donné lors de leur adhésion au service de messagerie « gratuit ».
Facebook a réalisé un formidable exploit : en 6 ans, le nombre d’utilisateurs a doublé ! Depuis février 2020, 2 milliards de personnes (identifiées par leur numéro de téléphone) utilisent WhatsApp.
Revers de la médaille
« J’ai vendu la vie de mes utilisateurs. » — Brian Acton, co-fondateur de WhatsApp
Si vous aviez réussi à acquérir 2 milliards d’utilisateurs, resteriez-vous sans réaction ? Ne tenteriez-vous pas de monétiser une telle clientèle ? Probablement que oui !
Brian Acton, co-fondateur de WhatsApp qui a revendu son entreprise à Facebook en 2014, a déclaré avoir regretté son geste (malgré le fait d’être devenu du jour au lendemain milliardaire). En effet, la vision de ce que devait être WhatsApp était de garder privées les conversations des utilisateurs, entre autres dans des pays qui espionnaient ses citoyens sans raison. C’était vraiment l’ADN de WhatsApp. Paradoxalement, ce n’est pas l’ADN de Facebook. Plus Facebook connaît notre vie privée, plus les bénéfices et dividendes dépassent les plafonds… on le sait tous, et pourtant…
Il y a une différence énorme entre "Vie privée" et "Sécurité"
Je désire attirer votre attention sur une réflexion à propos de la politique de confidentialité de WhatsApp (pour l’Europe) qu’il nous faudra accepter si nous voulons continuer à utiliser le service « gratuit » après le 8 février 2021. En fait, Facebook assure sécuriser nos données (et semble le faire correctement). C’est justement là-dessus que l’entreprise communique beaucoup ! Par contre, si vous prenez une ou deux heures de votre précieux temps pour lire cette politique de confidentialité (qui n’est pas la politique de sécurité, nuance), vous verrez que tout ce que vous dites, faites ou partagez est de facto connu de Facebook. WhatsApp prend ce chemin avec cette nouvelle politique.
Mais pourquoi donc m’inquiéter si mes données sont en sécurité ?
Définition : La vie privée, c’est la partie de notre vie qui n’est pas publique. Ce sont toutes les choses qui composent notre vie et qui n’ont pas à être connues par les personnes qui ne forment pas notre cercle intime, privé, restreint et autorisé.
Définition : La sécurité, c’est l’ensemble des actions et éléments mis en place pour se protéger d’éventuelles attaques extérieures.
Ce sont donc deux sujets différents bien que complémentaires. La vie privée implique de la sécurité, mais la sécurité n’implique pas nécessairement la vie privée… Comment cela se passe-t-il sur WhatsApp ?
Métadonnées
Les métadonnées sont les informations qui accompagnent votre communication, vos fichiers, etc. Par exemple, les métadonnées d’une photo seront celles-ci : l’endroit où elle été prise, les réglages de l’appareil photo, le type et la marque de l’appareil photo, etc. Tout cela peut devenir très utile lorsque vous gérez des tonnes de photos. Souvenez-vous de vos vieux albums de photos de famille : les seules métadonnées inscrites à la main étaient l’année de l’album, les lieux et éventuellement les gens qui étaient sur les photos (pour les plus méticuleux). Le reste des métadonnées restaient dans le cerveau (les souvenirs) de ceux qui avaient un accès « autorisé » aux albums. Si un « étranger » ouvrait l’album, il ne pouvait pas faire grand chose des informations qu’il y trouverait.
Aujourd’hui, les albums sont devenus numériques. Les métadonnées automatiquement générées et enregistrées. Mais bien sûr, en toute sécurité ! Oui, mais… aussi en toute confidentialité ?
Nous protégeons vos données. Nous collectons vos données. — Facebook
C’est là que Facebook (et par voie de conséquence WhatsApp dans le futur) brouille les pistes : « Nous protégeons les données que vous consentez à partager avec nous. En cliquant sur J’accepte, vous acceptez les dizaines d’heures de blabla écrit qui suit. Ne vous préoccupez pas trop de cela. Faites-nous confiance. »
La réalité est telle que nous (les utilisateurs) consentons à partager l’intégralité des informations qui nous concernent avec une entreprise qui protège ces informations, mais qui ne se retient pas de les analyser et de les revendre. Fort heureusement nos données sont méticuleusement protégées ! Magnifique ! Si vous possédez des lingots d’or, vous les protègeriez n’est-ce pas ? Facebook est assise sur une masse colossale d’informations valant des milliards de $. Il est logique qu’elle les protège. Elle ne va pas céder son butin à d’autres.
Personne ne sait que j'ai un coffre à la banque...
Poussons la logique : admettons que vous louiez un coffre à la banque. Seriez-vous d’accord que la banque liste son contenu ? Seriez-vous d’accord que la banque liste vos accès à ce coffre ? Seriez-vous d’accord que la banque partage et revende ces informations avec d’autres sociétés qui pourraient vous envoyer de la publicité ciblée concernant le contenu de votre coffre ? C’est pourtant ce que vous faites à chaque fois que vous utilisez Facebook (et WhatsApp, Instagram, Messenger, Oculus, etc).
Malheureusement, ce n’est pas fini…
Les récents événements survenus aux USA (invasion du Capitole, 6 janvier 2021) montrent que les réseaux sociaux ont un immense impact sur le comportement des citoyens. Les lynchages publics en Inde ont démontré qu’ils ne peuvent pas être maîtrisés.
Un pays lambda peut sembler stable et établir une politique de confidentialité et de protection des données. Mais un changement de pouvoir (régime) peut survenir n’importe quand, malgré toutes les sécurités mises en place. J’attire l’attention ici non pas sur un parti politique ou un autre, ni sur des idées politiques, mais bien sur la manière dont les choses peuvent instantanément changer.
Conclusion
Évidemment, il faut rester plus que prudents avec l’utilisation des messageries instantanées et des réseaux sociaux. Mais que faire si on désire se défaire de Facebook et de sa collecte de données ?
Il n’y pas de solution miracle. Certains appelleront au boycott et clameront qu’il est mieux d’utiliser des messageries comme Signal, iMessage et consorts. D’autres diront qu’ils jettent l’éponge, qu’il n’y a plus rien à faire, qu’ils n’ont rien à cacher…
Pour ma part, au même titre que les mesures d’hygiène relatives à notre prudence face à la COVID-19, je vous recommande de devenir (ou, je le souhaite vraiment, de le rester) « responsables » dans votre utilisation des outils numériques. Il ne sera peut-être pas possible de vous défaire de Facebook ou d’autres outils similaires. Mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas agir avec bon sens.
« Ne mettez pas tous vos oeufs dans le même panier » — Proverbe populaire
Suivons ce conseil de spécialistes des omelettes depuis des millénaires : « Ne mettez pas tous vos oeufs dans le même panier ». En faisant tomber le panier, vous pourriez casser tous vos oeufs…
Alors, apprenez à utiliser de nombreuses messageries différentes et apprenez à vos proches et à vos contacts à faire de même. Utilisez de nombreux canaux de communications différents. Utilisez ces outils aléatoirement. Ainsi, même si l’un ou l’autre géant de l’internet collecte des informations, elles ne représenteront pas votre vie dans son intégralité.
Concernant votre vie privée, évitez d’utiliser un média technologique pour la partager (messagerie, emails, téléphone, réseaux sociaux). Préférez la bonne vieille technologie intégrée à notre personne : la parole et l’écoute d’être humain à être humain.
Bien sûr, la pandémie en cours ne permet pas ces interactions ! Préférez alors le papier et la bonne vieille lettre ! Et si vous devez utiliser un outil numérique, choisissez celui qui respecte le plus minutieusement votre vie privée, quitte à payer un peu pour ce service.
Comme vous le savez, personne ici-bas n’a de solution parfaite à ce problème. J’essaie juste de partager une vision la plus correcte possible de la réalité et j’espère que ces quelques lignes pourront vous aider à prendre les meilleures décisions.